L'enseignement en temps de pandémie
La pandémie Covid-19 est une tragédie pour d'innombrables personnes dans le monde entier. Comme toute crise historique, c'est aussi un miroir qui permet de percevoir plus clairement sa propre situation et qui oblige à décider de ses priorités. Que devons-nous conserver, que devons-nous changer ? L'objectif de notre groupe de la chaire d'histoire de l'art et de l'architecture était de faire en sorte que l'enseignement soit meilleur après qu'avant la crise.
Notre priorité était de permettre aux étudiants de rester en contact régulier les uns avec les autres et avec l'équipe enseignante pendant la pandémie. A notre avis, l'apprentissage horizontal, l'interaction entre les étudiants, est au cœur de l'éducation. Les échanges, et en particulier les échanges informels, avant et après les sessions de cours, sont essentiels à la culture de l'apprentissage.
Mise en œuvre du cours pendant la période d'apprentissage à distance
En 2020, D-ARCH a introduit un nouveau format d'enseignement, le "semestre spécialisé". Le studio de design comme format d'enseignement le plus efficace qui permet de se concentrer sur un thème commun pendant tout un semestre et qui consiste en une coopération étroite entre des groupes d'étudiants (15 - 45 étudiants) et qui est crédité de 14 points, est traditionnellement le privilège des professeurs de design. Suite à la demande des étudiants pour un choix plus large de sujets, à savoir la technologie architecturale, l'histoire et la théorie de l'architecture, ce format a été ouvert aux professeurs d'autres instituts. Le semestre de spécialisation est actuellement en cours d'évaluation afin de décider si ce format peut être inclus de manière permanente dans le programme.
Nous avons donné un thème général : "Take Care : A Collective Manifesto" au SA 2020 et "Exhibit - Inhabit : A Collective Manifesto" au SA 2021. Nous avons voulu rendre productive les différentes réglementations imposées en vue de protéger les membres de l'ETH. Le déplacement vers le bureau à domicile a augmenté les inégalités existantes et a affecté de nombreux étudiants. Lorsque l'accès au campus était interdit, nous avons décidé de suivre les règles du Conseil fédéral, qui autorisaient des "rassemblements spontanés" de 5, puis 15 personnes, dans l'espace public. Au cours des semestres 2020 et 2021, l'espace public est devenu notre campus et notre groupe s'est rencontré "spontanément" à l'extérieur à différents endroits. Par exemple, devant différentes œuvres d'art dans l'espace public à Zurich, pour une randonnée de Zurich à Spreitenbach pour visiter l'extérieur d'IKEA fermé, une marche à Lägern pour visiter la station de surveillance du climat de l'ETH, ou la grotte Emma Kunz à Würenlos. Un cas exemplaire a été la visite du petit village de Quinten, au bord du lac de Walenstadt. Les enseignants sur la rive se sont adressés aux étudiants qui passaient par groupes de quatre sur un bateau par mégaphone.
L'objectif de notre semestre de spécialisation était d'améliorer la capacité des étudiants en architecture à écrire leurs propres textes d'une part, à discuter des positions théoriques d'autre part. Chaque semaine, deux sessions ont eu lieu. La session de lecture du lundi, qui s'est déroulée principalement en ligne, a été consacrée à la discussion d'une variété de textes théoriques issus d'un syllabus. Le format en ligne, qui n'a pas l'ordre hiérarchique traditionnel d'une salle de classe, était approprié : Nous avons constaté que les étudiants avaient tendance à s'exprimer très librement, même sur des sujets personnels. A un moment donné, la discussion n'a presque pas eu besoin d'être modérée par le personnel enseignant.
La session du jeudi s'est déroulée à l'extérieur et a été consacrée à la présentation de l'écriture individuelle. Les étudiants se sont présentés mutuellement leur travail et l'ont discuté en commun. Le feedback a été donné non seulement par les enseignants mais aussi par l'ensemble du groupe. Les conditions parfois difficiles dues au temps froid ou au bruit ambiant ont fait prendre conscience au groupe de la nature performative de la communication : il faut trouver des méthodes pour faire entendre sa voix !
Nous avons laissé aux étudiants une grande liberté dans le choix de leurs formes et de leurs supports. Certains ont remis des essais vidéo, d'autres des livres entiers avec leurs textes. Des critiques invités issus de la littérature, du journalisme, de la philosophie et du design architectural ont donné leur feedback.
Toutes les sessions étaient ouvertes à l'ensemble du groupe d'étudiants et à l'ensemble du personnel enseignant, des sessions de feedback individuelles étaient également proposées.
La notation a été effectuée par l'ensemble du personnel enseignant. Les notes moyennes du semestre de spécialisation du SH 20 ayant été jugées trop élevées par la conférence des professeurs, une notation plus sévère a été utilisée pour le semestre de spécialisation du printemps 2021. Les critères étaient la cohérence et l'originalité des textes, l'engagement dans les réunions et les compétences linguistiques. Les étudiants étaient libres de choisir la langue. La plupart des textes étaient en allemand, d'autres en anglais. Deux étudiants ont inséré des passages dans leur langue maternelle, le rhéto-roman et le mandarin.
Chaque phase de l'enseignement était accessible en ligne. Les étudiants ou les enseignants qui n'ont pas pu assister aux réunions sont restés virtuellement présents. C'était facile car tous les membres du groupe possédaient un appareil et étaient connectés les uns aux autres via Zoom.
Course description
Concept général du cours avant la pandémie - pendant - après
Par chance, l'introduction du semestre de spécialisation comme nouveau format d'enseignement à D-ARCH a coïncidé avec la pandémie. Nous l'avons utilisé comme modèle pour d'autres modes d'enseignement. La priorité a été donnée à la possibilité pour les étudiants de se rencontrer réellement et d'être en contact avec les enseignants. Les règles de sécurité et les restrictions ont été rendues productives.
Avant la pandémie, les excursions avaient déjà joué un rôle important dans notre enseignement. La semaine de séminaire qui a lieu chaque semestre à D-ARCH a traditionnellement été notre lieu d'expérimentation pour de nouvelles formes d'interaction, un moment où la recherche (nouveaux thèmes) et l'enseignement (nouveaux formats) se rencontrent. L'attention des étudiants et des enseignants est particulièrement forte lors des voyages. La réflexion critique sur la pratique de chacun a lieu lorsque les étudiants et les enseignants quittent temporairement leur routine. Des mini-excursions de deux à trois heures à Zurich, voire sur le campus du Hönggerberg, font traditionnellement partie de la formation.
Dans la perspective de la réduction des vols, nous avions commencé à travailler sur des modèles hybrides avant la pandémie. La pandémie a accéléré ces travaux. Grâce à des fonds d'Innovedum, nous développons une méthode dans laquelle une partie d'un groupe voyage tandis que l'autre reste à la maison, connectée par Zoom. L'échange sur l'expérience réelle et virtuelle du voyage se fera ensuite de concert.
L'enseignement du semestre de spécialisation en mode hybride a amélioré la capacité des étudiants et des enseignants à faire face aux échanges virtuels. Il s'est avéré fructueux que chaque membre du groupe dispose d'un appareil. La communication est beaucoup plus efficace que lorsqu'il n'y a qu'un seul écran que tous les membres regardent. Les discussions vivantes dépendent de la possibilité de réagir directement. Dans de nombreuses sessions, il est devenu difficile de déterminer qui était réellement présent et qui participait virtuellement.
L'aboutissement du semestre de spécialisation sont des objets physiques, principalement des livrets qui sont des textes écrits par les étudiants. L'objet tangible contraste avec les dispositifs virtuels, mais il offre quelque chose que les étudiants peuvent inclure plus tard dans des portfolios et montrer aux autres.
Le sous-titre "Manifeste collectif" souligne l'intention de mettre en relation l'éducation et l'action. Traditionnellement un format où les intellectuels font entendre leur voix, c'est un encouragement à s'engager en temps de crise.