Toute prévision peut-elle servir de guide ?

Les prévisions ne fournissent pas seulement des bases importantes pour prendre des décisions en matière de politique énergétique et climatique. Quiconque utilise des prévisions devrait également prêter attention aux approches méthodologiques qui sous-tendent les prédictions.

Trois repères
Quel est le panneau indicateur qui montre la voie ? (Image : Stuart Miles / Freedigitalphotos)

"Le mix énergétique sera encore dominé par les énergies fossiles en 2050, avec une part de plus de 60%" - cette affirmation est tirée du volumineux rapport "World Energy Scenarios", publié lors du Congrès mondial de l'énergie qui s'est tenu mi-octobre à Daegu, en Corée [1]. "Avec les émissions actuelles, la température moyenne dépassera la limite des deux degrés dans 25 ans", telle est la conclusion du cinquième rapport sur le climat du GIEC, également publié récemment [2].

Ces deux déclarations actuelles se basent certes sur des questions différentes. Mais elles ont en commun un caractère extrêmement explosif, car elles servent de base aux planifications et aux investissements dans la politique énergétique et climatique. Et il est évident qu'elles sont sur une trajectoire conflictuelle. En y regardant de plus près, on constate que les deux prévisions se basent sur des méthodes de prévision différentes. C'est pourquoi elles ne présentent pas la même fiabilité.

Estimation basée sur des hypothèses plausibles

Pour la première affirmation du rapport "World Energy Scenarios", des hypothèses plausibles constituent d'une part le point de départ, par exemple sur les politiques énergétiques des pays ou l'acceptation des mesures étatiques. D'autre part, les tendances actuelles sont extrapolées (extrapolées), par exemple la baisse des coûts du photovoltaïque ou la croissance de l'économie et de la population. Un modèle d'allocation de marché permet de modéliser le mix énergétique le plus avantageux à partir de ces hypothèses. Deux scénarios ont ainsi été calculés, qui se distinguent principalement par une intervention moins ou plus importante de l'État. Le premier dépasse nettement la limite des deux degrés, le second également, mais de manière moins marquée. Les deux conduisent à des parts élevées d'énergie fossile, comme nous l'avons cité au début. Avec une percée rapide postulée de la technique CCS, c'est-à-dire le captage et le stockage du CO₂, on espère pouvoir limiter à moitié l'effet de serre.

Christoph Frei, secrétaire général du Conseil mondial de l'énergie, a interprété ces scénarios de notre avenir énergétique à Daegu comme un avertissement clair et une invitation à maîtriser notre flux de carbone.

Prévisions basées sur les lois de la physique

La deuxième affirmation du rapport du GIEC confirme le fait, connu depuis longtemps, que nos émissions de CO₂ font augmenter la température terrestre. Une énorme quantité de résultats de recherche mondiaux depuis le dernier rapport - résumés en 14 chapitres sur plus de 2000 pages - précise désormais cette constatation. Les nombreuses connaissances désormais avérées sont étayées par des preuves multiples et indépendantes les unes des autres, telles que des résultats de mesures et de calculs. La relation entre l'augmentation de la température et le CO₂ émis ne peut toutefois pas être déterminée comme une ligne nette, mais seulement avec une marge de tolérance (voir graphique). Cela s'explique par le fait que certains facteurs d'influence ne peuvent pas être chiffrés avec précision malgré les grands progrès réalisés depuis le dernier rapport du GIEC, par exemple l'effet des particules fines et des nuages. La marge d'incertitude est toutefois étonnamment faible en raison de l'influence dominante du CO₂. C'est pourquoi le climatologue Richard Alley parle du CO₂ comme du "bouton de contrôle de la température" de la Terre.

Vue agrandie : corrélation entre le CO2 et l'augmentation de la température.
Corrélation entre l'augmentation de la température et les émissions de CO₂ depuis 1870 (graphique : GIEC AR5 WG1, Summary for Policymakers).

Orientations appropriées

Étonnamment, la domination prétendument persistante des énergies fossiles a été communiquée par le Congrès mondial de l'énergie comme un fait avéré, et la presse l'a diffusé sans aucun esprit critique, avec des gros titres correspondants. Un "continuer comme avant" est apparemment volontiers entendu et rapidement cru. De par mon ancienne activité de chercheur industriel, je pourrais citer une multitude d'exemples qui confirment cette hypothèse.

Avec le recul, ces extrapolations de statu quo se sont toutefois toujours révélées erronées. Dans son livre "Mastering the Dynamics of Innovation", J. Utterback montre que les premiers succès des nouvelles technologies sont typiquement suivis d'un rebondissement et d'une défense acharnée des technologies établies, avant qu'elles ne soient remplacées. La technique CCS surestimée ou l'exploitation du gaz et du pétrole de schiste s'inscrivent dans ce schéma en tant que tentatives de prolonger l'ère fossile. Il est également typique que les progrès des énergies renouvelables soient massivement sous-estimés par les représentants des énergies établies.

Ce sont autant de raisons pour lesquelles, à mon avis, nous serions mal avisés de nous orienter, lors de décisions à venir, vers une domination pronostiquée des énergies fossiles. Tout au contraire, les lois physiques sur lesquelles se fonde la conclusion du GIEC offrent une orientation sûre - sans doute la seule véritablement sûre en période de bouleversements.

Informations complémentaires

[1] Rapport Congrès mondial de l'énergie : page externeScénarios énergétiques mondiaux

[2] Rapport du GIEC : page externehttp://www.ipcc.ch/report/ar5/wg1/

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