Forêt intouchable : une protection adaptée à notre époque ?

Chaque seconde, plus d'un mètre carré de terres cultivables disparaît en Suisse, soit dix terrains de football par jour. Il s'agit souvent de surfaces d'assolement. Au vu de l'urbanisation galopante, la question de savoir si la protection restrictive de la forêt est encore proportionnelle s'impose.

Vue agrandie : Forêt
Faut-il assouplir ponctuellement la protection des forêts ? (Image : NordicLondon / flickr)

La perte de terres cultivables se poursuit sans relâche. Sur le Plateau plat, aux alentours des agglomérations, cela concerne généralement de précieuses terres agricoles. La forêt, en revanche, est sacralisée. Il ne faut pas y toucher, et ce malgré le fait que la surface forestière continue d'augmenter en Suisse, d'environ 4'500 hectares par an [1], majoritairement dans les Alpes. Sur le Plateau, la surface forestière reste à peu près stable.

Réussir la protection des forêts

Protéger la forêt par la loi était le mot d'ordre de l'année 1876. A l'époque, la forêt était menacée de destruction : les défrichements pour les surfaces agricoles, l'abattage pour le bois de chauffage et de construction en étaient les causes - l'érosion et les inondations en étaient les conséquences. De nombreuses régions, par exemple en Italie, ont été irrémédiablement défrichées et sont aujourd'hui érodées. En revanche, la forêt suisse, vitale et précieuse, a pu être sauvée dans toutes ses fonctions. La loi sur la police des forêts est le témoin réussi d'une politique de protection de l'environnement précoce et prévoyante.

Mais aujourd'hui, beaucoup de choses ont changé : la consommation de bois de chauffage est nettement plus faible, alors que la demande de zones constructibles est incomparablement plus importante. L'extension des zones d'habitation se fait exclusivement sur des terres cultivées, de précieuses surfaces d'assolement disparaissent.

Je n'ai pas l'intention d'opposer l'un à l'autre, mais de remettre en question la législation actuelle. Des exceptions devraient être possibles ponctuellement et dans certaines circonstances. Des exceptions qui feraient sens dans un concept global de développement de l'urbanisation et des transports.

Projet "Waldstadt Bremer" à titre d'exemple

Vue agrandie : projet Waldstadt Bremer (Berne)
Le projet Waldstadt Bremer près de Berne (photo : Association de soutien Waldstadt Bremer)

La forêt de Bremgarten, d'une superficie de 636 hectares (ha), est située à la périphérie de la ville de Berne, entre le quartier de Länggass et l'Aar. Une bande de 43 ha le long du quartier urbain est coupée du grand reste de la forêt par l'autoroute A1. Cette bande est idéalement desservie par les transports. Elle est reliée sur toute sa longueur au quartier de la Länggass, l'un des quartiers urbains bernois les plus réussis en termes de qualité de vie. Trois lignes de bus desservent déjà le site, qui se trouve à 1,4 ou 2 kilomètres de la gare centrale de Berne. A cet emplacement exceptionnel du point de vue urbanistique, une extension de la ville d'une taille difficilement réalisable autrement est envisageable. Du point de vue de l'aménagement du territoire, la "Waldstadt" est bien plus avantageuse que toute autre alternative. Si la Waldstadt n'est pas réalisée, Brünnen Süd sera tôt ou tard classée en zone à bâtir, une surface d'assolement de même taille située à environ sept kilomètres à l'ouest de la gare de Berne.

Des visions urbanistiques passionnantes

Dans la Waldstadt, il serait possible de construire des logements pour 6000 à 8000 habitants. Mais pas seulement ! L'université de Berne et la haute école pédagogique de Berne - toutes deux situées dans la Länggasse à un jet de pierre de la Waldstadt - trouveraient ici leurs possibilités d'extension. Il en va de même pour les hôpitaux voisins du Lindenhof et de l'Insel, le plus grand centre hospitalier de Suisse. En bref : la Waldstadt ouvre un espace pour des visions urbanistiques.

Exceptions dans la loi sur les forêts ?

Mais pour cela, la loi nationale sur les forêts devrait être réinterprétée, voire modifiée. En effet, un défrichement forestier n'est aujourd'hui possible que si des "intérêts prépondérants" peuvent être invoqués à cet effet. Le projet pour lequel un défrichement est revendiqué doit précisément dépendre de cet emplacement en forêt. Mais cette question est controversée à Berne. Une autre objection est que la cité forestière de Berne ne doit pas devenir un précédent pour d'autres déboisements incontrôlés.

La question fondamentale qui se pose est donc de savoir si, face à l'urbanisation galopante, la protection restrictive de la forêt est encore proportionnée et adaptée à notre époque. Je suis convaincu que la loi sur les forêts devrait admettre des exceptions lorsqu'un site s'avère nettement meilleur que tous les autres. Pour passer à un développement durable et garantir à long terme des zones d'habitation agréables à vivre, nous devons sortir des sentiers battus, penser à l'impensable, oser l'impossible. C'est ainsi qu'il faut comprendre le projet de Waldstadt Bremer.

Informations complémentaires

[1] Relevé de l'Inventaire forestier national (IFN) par l'Institut fédéral de recherches WSL ; Office fédéral de l'environnement (OFEV) : page externeDes zones où la surface forestière augmente

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