Une nanobulle flottante comme capteur ultra-sensible

Les capteurs sensibles doivent être largement protégés des influences environnementales. Des chercheurs de l'ETH Zurich viennent de montrer comment retirer et ajouter une charge électrique à une nanobulle permettant de mesurer des forces infimes.

Capteur à nano-sphères
Un objectif de microscope (à droite) concentre la lumière laser en une pincette optique qui maintient en suspension une nanobulle (minuscule point rouge au centre de l'image). (Image : ETH Zurich / Erik Hebestreit et Vijay Jain)

Une minuscule bille et un faisceau laser dans lequel elle flotte comme si elle était maintenue par magie : c'est avec ces moyens simples que Martin Frimmer et ses collaborateurs du Photonics Laboratory de l'ETH Zurich ont développé un capteur ultrasensible. A l'avenir, cet appareil devrait notamment mesurer avec précision des forces extrêmement faibles ou des champs électriques infimes. Les chercheurs ont maintenant fait un grand pas en avant sur cette voie, comme ils l'écrivent dans un article spécialisé paru récemment.

Nanobulles dans un faisceau laser

Le principe de base d'un capteur est expliqué de manière très claire par Martin Frimmer, postdoctorant dans le groupe de travail du professeur ETH Lukas Novotny : "Je dois d'abord savoir comment l'objet qui fait office de capteur est en contact avec son environnement. Ensuite, s'il se passe quelque chose avec lui au-delà de ces influences, je sais alors : ah, il y a une force à l'œuvre".

Dans la pratique, cela signifie généralement que l'on veut minimiser les interactions avec l'environnement afin de maximiser la sensibilité du capteur aux forces à mesurer. C'est précisément ce que les scientifiques ont réussi à faire en piégeant une nanoparticule sphérique de dioxyde de silicium, dont le diamètre est environ cent fois plus petit qu'un cheveu humain, à l'aide d'un faisceau laser concentré. Celui-ci forme ce que l'on appelle une "pince optique", dans laquelle la nanobulle est maintenue par des forces lumineuses au point focal du faisceau. Si une autre force agit sur la bille, elle est déplacée de sa position de repos, ce qui peut être mesuré à l'aide d'un faisceau laser.

Décharge à haute tension

Comme la pincette optique maintient la nanobulle en suspension sans aucun contact mécanique, l'influence de l'environnement peut facilement être réduite au minimum. Pour y parvenir, Frimmer et son équipe ont placé la pincette optique dans un appareil à vide, de sorte qu'il n'y ait pratiquement plus de collisions avec les molécules d'air. La seule chose qui peut encore gêner est une éventuelle charge électrique sur la nanoparticule. Des champs électriques insuffisamment protégés par celle-ci pourraient influencer la bille et ainsi perturber une éventuelle mesure.

C'est pourquoi les chercheurs de l'ETH ont maintenant développé une méthode simple mais très efficace pour neutraliser la charge sur la bille. Pour ce faire, ils ont monté dans l'appareil à vide un fil auquel est raccordée une haute tension de 7000 volts. La haute tension a pour effet d'ioniser les molécules d'air, c'est-à-dire de les diviser en électrons chargés négativement et en ions chargés positivement. Ces derniers peuvent alors sauter sur la nanobulle et rendre sa charge plus négative ou plus positive.

Pour mesurer la charge qu'elle sponsorise à un moment donné, les physiciens ont soumis la bille à un champ électrique oscillant et ont observé l'intensité de sa réaction. Ils ont ainsi pu démontrer que la charge de la bille changeait par étapes d'exactement une charge élémentaire (c'est-à-dire la charge d'un électron) vers le positif ou vers le négatif. Si la haute tension est coupée, sa charge reste constante pendant plusieurs jours.

Gravitation et mécanique quantique

Ce contrôle parfait permet aux scientifiques de neutraliser complètement la nanoparticule sur le plan électrique. Les champs électriques n'ont donc plus d'effet sur la bille, ce qui permet de mesurer très précisément d'autres forces très faibles. Une telle force est la gravitation. Martin Frimmer spécule, bien qu'avec prudence, qu'il devrait être possible à l'avenir d'étudier la gravité en relation avec la mécanique quantique grâce au nanocapteur qu'il a développé.

Dès à présent, les chercheurs peuvent refroidir la bille à moins d'un dix millième de degré au-dessus du zéro absolu en manipulant habilement la pince optique. À des températures encore plus basses, la nanoparticule devrait commencer à se comporter selon la mécanique quantique, ce qui permettrait d'observer sur elle des phénomènes tels que les superpositions quantiques et leur dépendance vis-à-vis de la gravitation.

Mais des applications intéressantes pour le capteur des chercheurs de l'ETH s'offrent également dans des domaines plus quotidiens, comme la mesure des accélérations. Comme la charge de la nanobille peut être non seulement neutralisée, mais aussi réglée sur une valeur précise, le capteur convient également à la mesure de précision des champs électriques.

Référence bibliographique

Frimmer M, Luszcz K, Ferreiro S, Jain V, Hebestreit E, Novotny L : Controlling the net charge on a nanoparticle optically levitated in vacuum. Physical Review A 2017, 95, 061801(R), doi : page externe10.1103/PhysRevA.95.061801

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